Comment perdre du temps sur les routes
L'indécision est devenue la marque de fabrique des politiques au pouvoir qu'ils soient de droite ou de gauche. L'objectif de moins de 3000 tués en 2012 n'a pas été tenu par Nicolas Sarkozy, celui de moins de 2000 tués en 2020 ne le sera pas plus par François Hollande. C'est le quatrième mois de hausse de la mortalité routière.
Pourtant la clef de la réussite est simple: le Président Chirac place la sécurité routière comme objectif prioritaire et le ministre de l'Intérieur Sarkozy montre une volonté politique forte pour faire appliquer par des personnels compétents une mesure comprise et acceptée par tous.
Depuis 6 ans, la volonté politique a été remplacée par la peur des mauvais sondages, les personnes compétentes frustrées par des décideurs incompétents sont parties, la politique de sécurité routière se résume à une répression mal ressentie avec des radars tenus en échec par les avertisseurs communautaires. Pire, aucun démenti officiel n'est exprimé par les ministères concernés quand la désinformation inonde les médias.
Seule la Ligue contre la violence routière ose rétablir la vérité mais ses moyens sont très limités face aux lobbys très puissants des constructeurs, des alcooliers, des pétroliers, des autoroutiers. La Ligue ne fait que relayer la parole des experts qui ne sont pas entendus ou même ignorés par les décideurs, notre indépendance nous coûte des subventions de l'Etat supprimées par des décideurs fâchés que nous révélions leur incompétence.
L'amélioration de 2013 ne tenait qu'à une décision urgente en 2008 mais prise en fin de mandat par le Président Sarkozy pour être applicable au cours du mandat présidentiel suivant: les radars embarqués dans les véhicules banalisés ont fait réfléchir les accros de la vitesse. L'effet d'annonce s'est estompé et comme aucune décision volontariste n'a été prise depuis, les mauvais chiffres s'accumulent.
La mesure qui s'impose, mais qui fait peur aux politiques, est la baisse de 90 à 80 km/h des limitations de vitesse sur les routes bidirectionnelles sans séparation centrale. Ce sont de loin les routes les plus dangereuses. Il n'y a plus ou presque de points noirs, 90% des accidents se produisent hors des zones classées dangereuses par les préfectures, dans les lignes droites principalement.
La règle de Nilsson établie il y a 40 ans stipule que 1% de vitesse moyenne en moins et ce sont 2% de blessés en moins et 4% de tués en moins. Ceci a été confirmé par Rune Elvik dès les années 2000 au travers de 98 études internationales. En France entre 2002 et 2008, la vitesse moyenne a baissé de 10% grâce aux radars fixes et au contrôle sanction automatique (centre de Rennes), la mortalité a été quasiment divisée par 2. La certitude de l'efficacité de la baisse de la limitation de vitesse est donc acquise.
Que propose le ministre de l'Intérieur Cazeneuve? Une expérimentation extrêmement timide sur quelques axes. Il faudra 3 ou 4 ans pour obtenir les résultats, si l'expérimentation est bien faite pour être concluante.
Rappelons que la pratique d'une expérimentation dans un domaine où il n'y a pas d'incertitude n'est qu'un prétexte inacceptable pour ne pas décider. Nous perdons du temps mais nous perdons surtout des êtres chers sur les routes.